Lointaine, invisible à moi-même
Blanche, investie par les lettres, je m’éclate pour qu’elles s’unissent
Je chemine de nuit ; la Langue m’envahit, m’extrait de l’enfer
Vision de cendres
Démesurée, avec la pudeur d’une chandelle qui s’effondre
Je parais
Et dès que je parais me métamorphose
Telle la tempête j’enjôle l’air pour briser la certitude de la poussière
Je m’élève, les égarés me suivent
L’espace dévasté me supporte tel un corps qui surgit
Marchant dans le péché je brandis, pirate, un drapeau blanc
Avec la légèreté du mirage j’illumine la clarté du désert
Pour ne pas vaincre, je suis vaincue
Pour ne pas m’anéantir je me précipite dans le vide
Ma seule arme : Insoumission
Violence de mes doigts
Corps meurtri
Je m’endurcirai
Accroissez donc votre hargne
Sans excuses
-Une graine doit se décomposer pour donner vie-
Elle appelle les crocs à elle
Pour s’aguérir d’un déchirement dont elle n’a pas idée
Allez-y encore
Et encore
À moi en suffisance
Reste d’encre et désir enfoui
Chaque assoupissement me réveille pour travailler au métier de la lettre
Et je renais
Je me métamorphose en brin de paille sous les yeux du champ
Je mène des batailles qui me recouvrent de cadavres
Je renais comme le silence
Voix de la mort
Écorchée par ce qui advient
Ce que je ne puis supporter… Ni dénommer
Libre comme une jarre vouée aux bris
Le fleuve oublie-t-il l’enfance de la rivière?
C’est pourquoi
Je ne m’attarde pas lorsque je me traverse
J’ai foi en l’incroyable
Je fais pâtir le doute
Un monde me ceint d’atroce manière
Je souffle : muret, doucement!
Je ne suis pas un jardin pour supporter cela
Donne une pioche
La rudesse de mon pas se fait jour
À reculons
C’est pourquoi… je blâme ce qui demeure caché
Je ne retrouve pas trace de la pioche de l’enfance
Chaque fois qu’elle se dérobe je chancelle
Je mourais en cachette
Et chaque fois que je mourais
Je m’enfonçais dans un puits rebelle à l’argile (corporelle)
Contrainte, je fus exposée
Sur une litière recouverte d’un cadavre à ma semblance
Pour être témoin du dégoût de ceux qui descendent
Vers une intercession longue à venir
Alourdie par l’art de la mort
J’écoute le tumulte du silence
De vipères qui découvrent des failles et scrutent
Quelquefois je renais
Dans des habits mendiés par un corps empli d’humeurs
Mise en terre qui abuse l’arrogance du sang
Je renais plume
Portant le ciel sous forme d’oiseau pour empêcher sa chute
Enveloppant la terre du parfum de l’air pour la préserver
Sans volonté, je marche
Ces pioches qui rouillent en moi !
Je ne faiblis pas
Car la lenteur est métier de sanie
Anéantir les ruines : bravoure de l’objecteur
Sans voie
Je m’incline
Le jour a l’odeur du feu
La nuit : incendie de lune
Je suis une pierre qui se tord entre odeur et incendie
Donne une pioche
En suspens
Le ciel n’en caressera pas la tête
Ni la terre n’en touchera l’ombre
En suspens
Sans savoir comment
Je régénère l’air
Redoutant l’éboulement. Chaque effondrement pour elle est lumière
Je ne sais
Est-ce miséricorde pour moi ou accablement ?
Donne une pioche
Lointaine
Invisible à mon corps
Je bas en retraite
Pour que l’arc ait scrupule
Je ne sais
Si seulement le jour était nuit, pour que je sache
Il me plaît de chercher ce qui m’éloignera de vous
Je n’ai d’attrait pour l’art du guet
Épier des malheurs qui font commerce d’embuscades
Je contemple les braises
Pour déchiffrer les signes en leurs reliefs
Les craies voltigent autour de moi et s’écrient : c’est maintenant que je chute
L’enfant à venir voué à la folie s’écrie
Chaque oiseau vu embrase ma haine
Arrière ! Que ma compassion ne vous touche
Nulle consolation dans la solitude
Seule je me protégerai
Comme l’air, rien ne m’appartient
Chaque lendemain est une course
Ô Seigneur, guide mes pas vers moi-même
Les juges ne peuvent souffrir une liberté sans procès
J’ai été jugée sans motif
Ainsi
Sans sabre ni balles
Debout devant des fascistes
Qui déclarent guerre et victoire en un même temps
Je cherche refuge auprès du charbon, roi des diamants
Torturée, je troque mon âme contre un corps contraint
Accablée par les miens, croient-ils me libérer par leurs fer ?
Femme épuisée par des verres qui excitent les visions
Deux yeux immobiles dans le brouillard
Mort éprouve-moi
Avant que je te trahisse
Traduit de l’arabe par Siham Bouhlal